I-L' histoire |
A l'origine était le piratage.
Au départ, quand un groupe de pirates crackait un nouveau jeu, son nom était affiché à l'écran durant le chargement. Les pirates sont des gens très mégalomanes. Lorsqu'ils déplombent un soft, il y a deux motivations principales:
- l'exploit technique, car il s'agit de partir en croisade contre l'auteur de la protection, d'infiltrer son code, de contourner ses sentinelles, de tromper sa vigilance pour finalement se retrouver maître des lieux et y planter son drapeau. Faire sauter la protection de tel ou tel auteur réputé "coriace" devient alor un défi fabuleux.
- la reconnaissance de ses pairs, car il s'agit en cas de victoire de faire savoir à tout le monde qu'untel a réussi à triompher de la fameuse protection de tel programme. Le pirate est mégalomane, car il vise une renommée internationale, et pas uniquement limitée à son pays d'origine.D'où les messages "Cracked by..." inscrits sur la page de présentation du soft avant de le relancer dans le réseau. D'où l'emploi de pseudonymes, puisqu'il est évidemment hors de questions de signer de son vrai nom un acte tout ce qu'il y a de plus illégal.
Puis, un jour, une idée émerge de l'esprit d'un pirate encore un peu plus mégalomane que les autres. C'est bien, un message "Cracked by...", mais il est un peu statique. Pour faire mieux - mieux que le voisin s'entend - on pourrait par exemple le faire rebondir en dessous du nom du jeu, non ? Oh ! Et puis on pourrait faire défiler un texte en bas de l'écran pour présenter les membres du groupe et leurs fonctions ! Et puis si on mettait une musique en même temps? Et de jolies fontes pour le texte plutôt que les moches fontes système! Etc...
...la machine était lancée...
A partir de ce jour, on vit se greffer en préambule de chaque jeu cracké un petit bout de programme appelé assez judicieusement "intro", dont le but était bien entendu d'introduire le groupe responsable du crack, le jeu piraté, voire quelques détails techniques sur les conditions de réalisation du méfait - véridiques ou non, ("This game was cracked in 1'28" !!), le but du jeu étant encore une fois d'en mettre plein la vue au reste du monde.
En mettre plein la vue ? Le mot est faible. La compétition qui existait entre les crackers en ce qui concernait les protections n'était rien, rien du tout, à côté de celle qui fit par la suite rage entre les coders des intros! - le cracker et le responsable de l'intro n'étant pas toujours une seule et même personne.
Chaque groupe veut toujours surpasser les intros des autres, en y rajoutant tel ou tel effet graphique inédit, des logos du groupe de plus en plus beaux, des textes défilants (scrolltexts !) de plus en plus gros, de plus en plus imposants, l'idée générale étant toujours la même : faire mieux que le voisin, faire plus joli, plus rapide, de préférence en donnant dans la démesure et le grand spectacle.
Et un beau jour, ce qui devait arriver arriva : la programmation de ces intros étant de plus en plus longue, et par ailleurs aussi intéressante, sinon plus, que le crack de protections de plus en plus lamentables, un groupe décida d'abandonner définitivement le déplombage pour se consacrer exlusivement à la création de ces petites intros si prisées par les utilisateurs.
II-La Demo |
Une démo, à la base, n'est ni plus ni moins qu'une version un peu plus évoluée, plus élaborée, plus poussée, d'une intro. Ce n'est plus une intro - il n'y a plus de jeu derrière à introduire, après tout! - mais ça y ressemble beaucoup. Une démo, c'est une démonstration. D'abord des qualités de chacun. Des capacités du coder, de ce qu'il sait faire. Des oeuvres du graphiste, de sa maîtrise des couleurs, de l'utilisation des trames. Des compositions du musiciens, enfin, la dimension sonore étant un élément essentiel à l'ensemble du programme ainsi obtenu. On a vu, dans ce cadre, des groupes créer des démos dans le seul but d'être repérés et engagés par la suite dans une boîte de jeux - exemple trivial et inévitable : les légendaires Cuddly Demos des Carebears en 1989...
Une démo, c'est aussi une démonstration des capacités de la machine. La compétition entre groupes existe. Celle entre machines également. Les premières intros ont sans doute vu le jour sur C64, dont le concurrent direct vers 1985 était le CPC 464. Par la suite, les intros ont été exportées sur Amiga et Atari ST. La guerre ST/Amiga qui s'en suivit se prolongea pendant une dizaine d'années... Ce sont sur ces deux machines, aujourd'hui dépassées, que l'histoire des démos se mit en place.
III-Le Coder |
Le coder ne programme pas parce que c'est son travail ou parce qu'il a besoin de l'informatique pour réaliser un projet annexe, le coder programme parce qu'il aime ça. Le coder de démos, particulièrement, n'hésite pas à passer une ou plusieurs nuits blanches sur un boût de code particulièrement tordu ! Il pense à son code en permanence. Il est particulièrement têtu. Et également très patient. Lorsqu'il a une idée en tête, il ne la lâche pas. Il l'analyse sous tous ses angles, et ne l'abandonne qu'une fois qu'elle est passé à celui de programme concret ! Le coder finit toujours par gagner, à l'usure, là où un autre aurait depuis longtemps laissé tomber. Par ailleurs, le coder est très naïf, ou peut être simplement n'a-t-il confiance en personne. Toujours est-il qu'il lui arrive de se lancer dans des entreprises impossibles, uniquement pour voir si ça l'est réellement, ou juste dans le but avoué de réussir, lui, l'impossible - toujours la même politique de dépassement de soi et de recherche de l'exploit technique.
IV-Les Coding Party |
Il existe des réunions, régulières, des conventions organisées dans tel ou tel pays, appelées CODING PARTY (ou "CP") pendant lesquelles les demomakers se regroupent pour dialoguer, discuter, parler de code, échanger des trucs et astuces de programmation, mettre au point un projet commun - il arrive fréquemment qu'un groupe soit composé de trois personnes habitant trois pays différents! - ou tout simplement rencontrer "en vrai" la personne avec laquelle ils discutent depuis six mois via l ' IRC. Attention ! Il ne faut surtout pas confondre les CP (Coding Party) avec les...CP (Copy Party)! Les Copy Party, c'est de l'histoire ancienne... du temps des pirates. Au contraire, tout est fait dans les Coding Party pour respecter la plus stricte légalité. Interdiction formelle de déplomber le plus petit soft, ce n'est pas le but. On a même vu des CP interdire l'alcool, même la moindre petite bière pour être sûr que tout se déroule correctement. Inutile de parler des drogues. Le but avoué, c'est l'échange d'information et la mise en place de nouveaux contacts.
Une des Coding Party les plus connues est THE PARTY. Elle se déroule au Danemark.Celle de 1998 a vu le triomphe des groupes francais, ils ont ainsi raflé les deux premières places dans la catégorie DEMO pure. Les groupes sont BOMB et NOMAD avec respectivement State of Mind et Moai.
Quelques screenshots vous permettent de juger de la qualite de ces demos:
BOMB State of Mind:
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NOMAD Moai:
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Cliquez ici pour une petite surprise, c'est une intro (soit 64Ko) très étonnante faite par ALCYON et HPLUS